Vous êtes ici : Reportages - 2019 - Le Bourget

 Le Salon de l’Aviation et de l’Espace du Bourget reste le plus important du genre dans le monde en attirant un nombre considérable de visiteurs professionnels et curieux des choses de l’air. L’imposante couverture médiatique de cet événement mondial entraîne la signature en grande pompe de contrats souvent fabuleux dans le secteur de l’aviation commerciale.

 Cependant, à l’ouverture du salon, l’ambiance chez les constructeurs d’avions civils était plutôt à la morosité. En début d’année Airbus se voyait confronté à l’annulation par Etihad de 40 A350-900 et de 2 A350-1000 tandis que Boeing perdait la commande de 75 B737 MAX 10 et 10 B787 suite à la faillite de Jet Airways sans compter les déboires du constructeur américain ayant depuis le mois de mars plus de 400 B737 MAX cloués au sol suite à des accidents. En ce moment, la remontée du prix du pétrole, le bras de fer commercial entre la Chine et les USA, le regain de tensions dans le Golfe sont des facteurs qui influent directement sur la santé du transport aérien. Accusé d’avoir une importante responsabilité dans les changements climatiques, l’aviation commerciale est également confrontée depuis peu au nouveau phénomène de « Flygskam », la honte de voler, apparu en Suède et prenant une dimension mondiale. De plus en plus de voyageurs sont disposés à adopter d’autres modes de transport pour diminuer les émissions de CO2 des avions. Malgré les immenses efforts des avionneurs pour concevoir des moteurs plus performants et moins nuisibles à l’environnement, certains décideurs politiques prônent la taxation du kérosène voire l’interdiction de certains trajets aériens lorsque les transports terrestres de même durée sont disponibles. A l’issue des journées professionnelles du salon, l’optimisme réapparaissait bien que le total des commandes des avions commerciaux était moindre qu’à l’issue de l‘édition précédente du salon en 2017: au total 665 achats fermes, protocoles d’accord et lettres d’intention contre 897 étaient divulguées; Airbus en totalisait 363 alors que Boeing en comptait 292 avec toutefois la décision surprenante d’IAG, un des groupes aériens les plus puissants du monde, d’opter pour 200 B737 MAX.

 Quelques 150 avions, hélicoptères et drones en provenance des quatre coins du monde étaient exposés aux regards des 315.000 visiteurs uniques totalisant 500.000 entrées ayant eu la possibilité de parcourir 125.000m2 de surface occupée par 2453 exposants qui mettaient en valeur le plus petit composant à l’aéronef entier. Le top 5 des 48 pays participants se composait ainsi : les États Unis suivis par l’Allemagne, l’Italie, le Royaume Uni et la Belgique. Comme c’est le cas depuis 2014 avec l’intervention de l’armée Russe en Ukraine, des sanctions économiques imposées par l’Union Européenne interdisent à la Russie toute présence d’aéronefs militaires lors des salons; seuls l’amphibie de lutte contre incendie BE200 et l’hélicoptère léger à usage civil Ansat, dont c’était la première présentation mondiale, étaient sur place. Par contre il était loisible aux différentes firmes aérospatiales Russes de traiter à leur convenance les affaires dans les différents halls.



 Les engins de mobilité urbaine eVTOL (electric Vertical Take-Off and Landing) à propulsion électrique étaient les vedettes incontestables: l’Airbus A3 Vahana prototype d’avion taxi développé par la filiale américaine Airbus A3 du constructeur, propulsé par 8 moteurs actionnant un nombre égal d’hélices, capable de transporter 2 passagers à 230km/h sur 100km et d’un poids maximum de 815kg dont le premier vol avait eu lieu en janvier 2018, pour entrer en service dès 2020. Le prototype de l’Eviation Alice israélien mu par 3 moteurs de 260KW pouvant amener 9 passagers à la vitesse de 444km/h sur 1046km suscitait quelque surprise par sa taille. Boeing présentait son PAV (Passenger Air Vehicle) d’un poids de 800kg pour deux passagers mu par deux moteurs atteignant 180 km/h sur 80km, le prototype ayant fait son premier vol le 22 janvier. Safran en collaboration avec Uber proposait une cabine MDC (Mission Driven Cabina) amovible équipée de deux rangées de deux sièges capable de s’adapter à n’importe quel eVTOL. Uber espère mettre ces engins en service à partir de 2023 à Dallas, Los Angeles et Melbourne ramenant le trajet en voiture de 1h30 à 15 minutes. D’autres projets étaient présentés par différents constructeurs dont le slovène Pipistrel et le brésilien Embraer. Tous ces aéronefs sont initialement prévus pour embarquer un pilote à bord mais dans le futur le guidage sera assuré à partir du sol.

 Du coté des avions plus conventionnels, Voltaero, firme française, exhibait son avion hybride Cassio, basé sur le Cessna 337 Push Pull : les moteurs électriques placés à l’avant sont destinés à l’atterrissage et au décollage alors que celui placé à l’arrière du fuselage de type à combustion est sollicité pour le vol en croisière. Il peut emporter 4 à 9 passagers pour une autonomie de 3h30. Le Pipistrel 167 Alpha Ectro est un petit biplace pour l’écolage emportant des batteries rechargeables lui donnant 90 minutes d’autonomie de vol.

 Coté aviation commerciale, Airbus présentait la nouvelle version 1000 du A350 en service depuis février 2018 capable de transporter 440 passagers sur 16100km, concurrent des B777-300ER et B777-8X. Remarquons le premier des deux A330NEO pour Air Asia venu rejoindre à Paris l’exemplaire du constructeur. Arrivée inattendue d’un A321NEO appartenant à La Compagnie équipé de 76 sièges tout confort, en service sur Paris Orly- Newark. L’A350-1000 de Qatar doté d’une cabine luxueusement aménagée complétait la démonstration aérienne du modèle appartenant à Airbus et le plus petit des avions du constructeur A220-300 apparaissait sous la livrée d’Air Baltic.


Boeing s’était fait représenter par un B787-9 aux couleurs d’Air Haiti Nui et exposait la version cargo du B737-800BCF (Boeing Converted Freighter) capable de transporter 12 palettes sur 3900km. ATR exposait la toute dernière version de son turbopropulseur ATR72-600; Lockheed Martin un LM100J, variante civile du C130J pour la compagnie Pallas qui l’utilisera lors de missions pour l’industrie pétrolière. Mitsubishi espère toujours vendre son MRJ90 rebaptisé Spacejet. Embraer repris à 80% par Boeing fête ses 50 ans et présente son plus grand avion de ligne E195-E2 aux couleurs attrayantes «Tech Lion ». Longview Aviation Capital Canada commercialise désormais le Q400 de Bombardier et récupère ainsi son appellation d’origine De Havilland Canada Dash8-400 représenté par un exemplaire de la compagnie indienne Spicejet. Viking Air, autre compagnie aéronautique canadienne propose le classique bimoteur séries 400 Twin Otter en avion d’observation renommé Guardian 400. le Dornier DO228NG reçoit une nouvelle jeunesse grâce à la firme allemande RUAG Aerospace Services et le destine au transport sur courte distance ou à usage militaire en modernisant les anciens modèles en Glass Cockpit ainsi qu’au remplacement des moteurs et hélices par de plus modernes; il en va de même avec le DO328.



 En aviation d’affaire, Dassault présentait le fleuron de sa gamme le Falcon 8x capable de transporter 19 personnes sur 12000 km, certifié pour opérer à partir de la piste courte de Londres-City ainsi que la maquette du F6X son successeur doté d’une cabine « la plus grande de tous les jets d’affaires de sa classe » selon Dassault. Celle-ci sera dotée d’un salon, d’un bureau et d’un coin cuisine. Les modèles Falcon 2000S et Falcon 900LX sont destinés à transporter respectivement 8 et 6 passagers sur 7400 et 8900km. Le biréacteur Global 7500 de Bombardier à rayon d’action ultra élevé de 14260 km atterrissait pour la première fois au Salon après six mois de démonstration à travers 6 pays. Cessna montrait son best-seller Citation Latitude équipé suivant les derniers perfectionnements. Embraer présentait en première à Paris son modèle Praetor 600, version modifiée au rayon d’action allongé du Legacy 500 et Gulfstream son bijou le G650ERcapable de voler 13890km sans escale ainsi qu’un G280 moyen-courrier, équipé d’une large cabine et pouvant opérer à partir de courtes pistes. Pilatus était venu avec son PC24 biréacteur de 12 places commandé par les forces aériennes suisses et du Botswana ainsi que par l’Australia Royal Flying Doctor. Honda soumettait à la vente son curieux jet d’affaire Elite aux moteurs placés sur l’extrados des ailes.



 Dans le secteur des avions plus légers, Elixir, société établie à La Rochelle en France, dévoilait le premier modèle de production du biplace en fibre de carbone équipé d’un moteur Rotax de 100cv livrable à partir de la fin d’année et équipé d’un parachute d’urgence. Deux autres firmes françaises proposaient aussi des ULMS: Eulair son Twin bimoteur push pull biplace tout en carbone et ailes canard et G1 Aviation un multiusage à ailes repliables capable d’atterrir et de décoller en moins de 20mètres. Pilatus avait amené ses monomoteurs PC12NG et PC21 toujours aussi appréciés parmi les pilotes. La Firme française Daher a repris la commercialisation du monomoteur Quest Kodiak 100, avion de transport léger connaissant le succès avec 300 exemplaires exportés dans 20 pays dont la Chine et présentait en première mondiale la version modernisée de son turbopropulseur rebaptisé TBM940. Aura Aero, jeune société française, proposait son biplace côte-à-côte Integral R pour la formation intermédiaire à la voltige dont le premier vol devrait se dérouler cet été.



 Concernant les hélicoptères signalons la première apparition européenne de l’hélicoptère léger à usage civil Russian Helicopters Ansat proposé en deux versions l’une Medevac et l’autre en configuration VIP spécialement décoré en livrée rouge blanche et bleue symbolisant les drapeaux français et russes. Présence du Bell 429 Globalranger, hélicoptère léger et la maquette du Bell 525 Relentless de 19 passagers pour opérations pétrolières, premier hélicoptère commercial incorporant des commandes de vol fly-by-wire. Chez Airbus l’on pouvait admirer les modèles H145M et H175 ainsi que la maquette du H160M Guepard dérivé du H160 civil destiné à remplacer 7 types d’hélicos utilisés actuellement par les différentes composantes de l’armée française dans le cadre du programme hélicoptère interarmées léger HIL. Le premier vol du prototype est prévu en 2023 pour livraison de 169 machines à l’armée française à partir de 2026. Leonardo avait amené un des 8 AW139 utilisés par les Vigili del Fuoco pour la lutte anti- incendie. L’industrie aérospatiale turque montrait fièrement le T625 Gobkey premier hélicoptère entièrement conçu et construit en Turquie dont le prototype a effectué son vol inaugural en septembre dernier et le Leonardo AW129 construit sous licence avec la dénominationT129 Attak. Boeing montrait au public les versions les plus modernes des CH-47 Chinook et AH- 64 Apache. Au stand des forces armées françaises se trouvaient un NH90 Caiman et un Airbus Tigre.



 Au point de vue aviation militaire la France dévoilait en grande pompe la maquette grandeur nature du New Generation Fighter de Dassault et Airbus pour remplacer le Rafale à l’aube de 2024. Cet avion fera partie du système de combat du futur en coopération avec l’Allemagne et l’Espagne, avec la possibilité d’inclure d’autres partenaires comme le Royaume Uni, l’Italie et la Belgique. Dassault exposait fièrement les différentes versions en usage à l’armée française du Mirage 2000 et du Rafale. Airbus en faisait de même avec l’A330-MRTT et l’A400M. Boeing présentait le ravitailleur en vol KC46A Pegasus dérivé du B767 destiné à remplacer les KC-135 Stratotanker dont le premier exemplaire d’une commande de 179 a été livré à L’USAF le 10 janvier; le Patrouilleur maritime P-8A Poséidon et le F-15E Strike Eagle. Boeing exhibait la maquette à l’échelle du T-X avion d’entraînement avancé susceptible de remplacer 1000 Northrop T-38 Trainer de l’USAF et disposant d’un marché potentiel estimé à 1600 exemplaires. Lockheed Martin exposait 2 C-130j dont un équipé de ski opérant pour le compte de la National Science Foundation en Antarctique et son fameux F-35 Lightning II. Les japonais avaient amené le Kawasaki P1, patrouilleur maritime, premier des 3 livrés à la Japan Self Defence Air Force et éventuel remplaçant des Breguet Atlantic allemands ainsi qu’un Kawasaki C2 transport stratégique.



Parmi les autres avions exposés notons un Saab 340b équipé pour des missions de surveillance militaire ou civile; le Textron AT6 Wolverine et l’Eurofighter Typhoon aux cocardes de la Luftwaffe. Diamond présentait le DA62MSA de surveillance maritime et terrestre pour missions courtes ainsi que son Dart 550 pour la reconnaissance et l’entraînement muni de deux points d’attaches aux ailes pour l’équiper d’armes ou de senseurs alors que le fuselage peut être doté de caméras; la variante 450 est fournie à l’armée chinoise comme avion d’entraînement sous la dénomination locale TA20; l’ATR72-600 Sea Eagle patrouilleur maritime modifie en deux exemplaires par Rheinland Air Service et Aero Data d’Allemagne pour la marine pakistanaise afin de remplacer les Fokker F27M. Première apparition européenne en vol de l’avion de combat sino-pakistanais Chengdu JF-17. La Turquie dévoilait une maquette grandeur nature de son nouvel avion d’attaque TF-X prévu pour voler en 2026 afin affirmer son indépendance vis-à-vis de Washington suite à la décision d’Ankara de se procurer le système de défense russe S400, incompatible avec les normes de l’OTAN, entraînant un boy-cot américain. Se trouvaient aussi au stand turc la maquette du turboprop d’attaque léger Hurkus C et l’Hurjet avion pour l’entraînement avancé. Leonardo vantait les mérites du M345 HET -High Efficiency Trainer à l’avionique améliorée. Embraer montrait son cargo et ravitailleur en vol KC390 et l’avion d’entraînement Super Tucano.



 Remarquons la présence de plus en plus importante des drones à usage militaire. Leonardo dévoilait la réplique à l’échelle du Falco Xplorer, plus grand drone jamais construit par la firme, à long rayon d’action capable de voler 24h muni de 350kg de charge pour surveillance maritime et le Mirach 40 pour entraînement militaire. Parmi les autres modèles citons le Phaeton 200 drone tactique d’Asman Technology, jeune start-up française; le Safran Patroler dont la cellule est fournie par le constructeur allemand Stemme; le Turkish Aerospace Anka de moyenne à longue portée utilise par l’armée turque et l’EuroMALE 2020 d’Airbus - Medium Atitude and Long Endurance- commandé par l’Italie et la France.



 Regrettons cependant la présence minimaliste au point de vue recherche spatiale de l’ESA-Agence Spatiale Européenne- cependant compensée par l’abondante présence russe dans les halls. Avec plus de 80 firmes et institutions actives dans l’industrie aérospatiale présentes lors du Salon du Bourget, la Belgique affirme son savoir-faire dans ce secteur à haute valeur ajoutée.



 Le Salon du Bourget se positionne comme une porte ouverte sur tout ce qui touche à l’aviation et à l’exploration de l’espace en attirant le public le plus large possible, raison pour laquelle le grand-public est admis en fin de semaine pour assister au traditionnel show aérien de clôture qui mettait en scène divers avions dont plusieurs warbirds: Hawker Hurricane MKII, Morane-Saulnier D-3801, MD311 Flament, Yak 3, NA P51D Mustang, Fouga Magister CM170R, Breguet 1050 Alize, Supermarine Spitfire 361, NA Trojan T28B, Republic Thunderbolt P47D, Spartan UC-71 Executive, NA F86 Sabre, MS 760 Paris et DC3.